minimix est un magazine bilingue franco-japonais
« Euh, franco-nippon et pointu », annonce la couverture. Le ton est posé, l’identité affirmée : minimix se présente comme un objet hybride, biculturel et bilingue, gratuit, et d’un format modeste — presque confidentiel, à l’image d’un carnet de voyage glissé dans une poche. Comme l’écrivait son initiatrice dans le premier numéro, avec une ironie tendre : « Si j’en avais les moyens, je vous offrirais à tous une loupe. » En effet, minimix était décalé, spirituel, authentique, débordant d’informations et d’images vives, dynamiques, tandis que ses caractères, minuscules, semblaient inviter à une lecture attentive, presque intime.
Ce magazine papier, véritable carrefour des cultures, mêlait avec audace la mode, la musique, le design, l’art et le quotidien. Deux rubriques, devenues cultes, en cristallisaient l’esprit : « Monologue de chauffeur de taxi tokyoïte et parisien », où se croisaient les regards acérés et les anecdotes de la ville, un regard cru sur le quotidien ; et « Ping-pong », dialogues vifs et enlevés entre deux journalistes brillants, où l’intelligence le disputait à l’humour.
minimix est né dans l’imagination d’Eko Sato, durant l’hiver 1996-1997 ; le premier numéro vit le jour au printemps 1997. À une époque où Internet n’avait pas encore redessiné les frontières de l’information, où le Japon, pour la plupart des Français, se résumait à une triade exotique — sushi, geisha, sumo — minimix s’est imposé comme une fenêtre ouverte sur une culture bien plus riche et nuancée.
Dès ses débuts, le magazine a su attirer des talents majeurs, qui ont accepté, avec une générosité teintée de folie, de se joindre à l’aventure. Parmi eux, Kuntzel & Deygas et Jean-Philippe Delhomme, dont les contributions furent déterminantes. Impossible d’oublier, également, la fidélité de Sublime, M Khalil, Ako, Vinci, Coba… et surtout, la confiance inébranlable de Pinosan, premier à croire en ce projet et à convaincre un imprimeur du 20e arrondissement de Paris de l’imprimer gracieusement, durant toute une année. Enfin un grand merci à Helena Ichbiah et à son studio de design graphique Ich & Kar, pour son regard acéré et son indéfectible fidélité.
PING-PONG FRANCO-NIPPON
Plus de 20 ans après leurs publications, les Questions/Réponses – Ping-pongs entre Loïc Prigent et Masanobu Sugatsuke sont toujours aussi hilarants aujourd’hui. Quelques exemples.
minimix numéro 5, Printemps 1999 « Rouge sur blanc tout fout l’camp »
Masa: Est ce que c’est vrai qu’en France la situation économique s’est améliorée? Il parait que les Français n’ont jamais autant travaillé depuis Napoléon?
Loïc : Oui, Moscou et Madrid sont tombés hier, la loi Lacroix est passéé à l’unanimité et tout le monde, garçons y compris, est forcé de s’habiller tout le temps en Christian Lacroix. Bernard Arnaud a été sacré empereur et son groupe LVMH a été rebaptisé ABCDEFGHIJKLMNOPQRSUVWXYZ. John Galliano présente la météo à la T.V.
minimix numéro 8, Hiver 2000 « C’est reparti mon kiki »
Masa : Après le Japon et les States, une nouvelle version de Aibo a été présentée en Europe. Aibo s’est vendu comme des petits pains au Japon, pas trop mal aux States, et pas tellement en Europe. Pourquoi à ton avis ?
Loïc : En France, on a déjà tous 15,8 chiens par personne. Chez les personnes âgées, cette moyenne monte à 45,6 chiens par personnes. Pourquoi ira-t-on acheter un cheptel électronique qui bafouerait la tradition des crottes sur les trottoirs qui a crée beaucoup d’emplois.
minimix, né d’une intuition aussi audacieuse que modeste — relier l’essence authentique de Tokyo à celle de Paris —, s’est lancé sans capital, sans appuis dans les cercles influents, armé seulement d’une énergie pure, d’une ambition tenace et de cette insouciance qui n’appartient qu’à la jeunesse. Sans complexe et avec une sincérité désarmante, l’équipe frappait aux portes, le sourire aux lèvres, et c’est précisément cette authenticité qui a su séduire.
Ainsi, dans une simplicité déconcertante, les portes se sont ouvertes. Après avoir exposé son projet à Valérie Lemercier, celle-ci accueillit Eko chez elle ; un après-midi entier s’écoula, l’une en petite tenue, l’autre entourée d’étoffes et d’aiguilles, toutes deux absorbées par la confection minutieuse de costumes inspirés des néo-nipponnes.
Chaque page du magazine témoigne d’une rencontre unique, d’une alchimie improbable. Ryuichi Sakamoto y a déployé un abécédaire aussi émouvant qu’inspiré ; Jean-Philippe Delhomme a distillé des chroniques pleines d’esprit, où l’humour le disputait à la finesse ; Kuntzel & Deygas a généreusement transformé son studio de création en laboratoire d’idées. Quant à Geneviève Gauckler, son rire tonitruant et sa liberté débridée en matière de design graphique ont insufflé une bouffée d’oxygène délirante au projet, laissant en héritage un logo inoubliable.